mardi 30 octobre 2018

Les émotions et l'intelligence émotionnelle: quelle place dans la salle de classe?




Et si nous vous demandions de citer les compétences indispensables que vos élèves doivent développer en classe...
Pourriez-vous lister ce qui est, selon vous, le plus important ? 

Les connaissances et compétences disciplinaires ? 
Les compétences psychosociales telles que la persévérance, l’écoute, l’autonomie, la maîtrise de soi, la capacité à coopérer avec d'autres élèves... ?

Ces dernières constituent l'intelligence émotionnelle décrite par le psychologue Daniel Goleman mais également par Marshall Rosenberg en "Communication Non Violente"; par Jane Nelsen et Lynn Lottla en "Discipline Positive" et bien évidemment par des neuroscientifiques spécialistes en neurosciences affectives et sociales comme Antonio Damasio ou Catherine Gueguen.


L’être humain est constamment animé par des émotions. Ce terme trouve ses origines dans le latin emovere qui signifie « mettre en mouvement ». Une émotion est un ressenti physique et physiologique plus ou moins bref le plus souvent créé par un stimulus environnemental.

Le journaliste et psychologue Daniel Goleman définit l'intelligence émotionnelle comme la capacité à identifier et à gérer nos propres émotions et celles des autres. Il fait référence à de nombreuses recherches menées pour évaluer l'impact d'une intelligence émotionnelle développée, sur la réussite scolaire et professionnelle. Tous les résultats tendent vers une corrélation entre les deux éléments. Les enfants capables de gérer leurs émotions seront les adultes les mieux armés pour affronter la vie (pour en savoir vous pouvez lire son ouvrage référencé plus bas).

Les neurosciences nous éclairent sur l’incidence physiologique de l'empathie sur les apprentissages. 

Antonio Damasio est le premier neuroscientifique à avoir décrit le rôle des émotions dans le développement de la personne. Catherine Gueguen, pédiatre et experte en neurosciences affectives et sociales affirme également le rôle fondamental d’un comportement bienveillant à l’école pour un développement de l’enfant et du jeune adulte. En effet, apprendre dans un climat serein et empathique permet la sécrétion d'une hormone, l'ocytocine. Cette hormone génère du bien-être et développe chez l'individu sa capacité à faire preuve à son tour d'empathie. Rappelons ainsi le rôle capital du cortex orbito-frontal qui nous permet de réguler nos émotions et de faire des choix. Catherine Gueguen explique que le cerveau du jeune enfant n’est pas assez mature pour réguler ses émotions, il n’est pas capricieux mais incapable de se contrôler (nous savons même aujourd’hui que le cerveau termine sa maturation dans la troisième décade de la vie). Évoluer donc dans un climat bienveillant contribue à développer chez l’enfant des zones fondamentales du cerveau. Comme l’explique Michael MEANEY (chercheur canadien) le maternage (rassurer, consoler) favorise le développement de l’hippocampe, centre des apprentissages. L’ocytocine provoque également la sécrétion de molécules telles que la dopamine, la sérotonine et les endorphines. Une production équilibrée de ces molécules agit positivement sur la motivation, le bien-être et la stabilité de l’humeur. A l'inverse, dans un cadre stressant, le corps secrète une hormone surrénale appelée le cortisol qui est capable de bloquer les apprentissages et peut aller jusqu'à détériorer certaines zones de l’hippocampe (dans le cas du jeune enfant).


Déjà dans les années 1960, Alfred Adler affirmait le caractère primordial de l'empathie dans les relations aux autres. Nous savons aujourd’hui que les « neurones miroirs » interviennent dans le développement des aptitudes émotionnelles du jeune enfant. Un enfant qui reçoit et perçoit  de l’empathie développera lui-même de réelles capacités à comprendre et accepter l’autre. L'enseignant de maternelle comme de collège ou de lycée peut donc jouer un rôle dans le développement affectif de l’enfant. Il doit tenter de rejoindre ses préoccupations qui, il faut bien le reconnaître, ne sont bien souvent pas les mêmes. Là où la réussite scolaire prime pour l'enseignant, l'appartenance à un groupe d'amis et la responsabilisation se placent souvent au premier plan pour les adolescents. Accepter ce fait et le prendre en compte peut contribuer à permettre l’engagement des élèves et le développement de comportements coopératifs dans le cadre des apprentissages. 


Ceci nous conforte donc aujourd’hui dans la nécessité d’adopter  une posture rassurante et empathique auprès des enfants et des adolescents. Elles nous rappellent la primauté de la relation à l’élève comme levier d’engagement dans les apprentissages. Elles nous invitent enfin à contribuer au développement de l'intelligence émotionnelle des élèves par l'explicitation et les mises en situations concrètes d'interactions.


Je remercie vivement mon collègue enseignant et formateur Jean-Philippe Abgrall @abgralljp pour ses bons conseils et sa collaboration à l'écriture de cet article! Je reste également très intéressée pour recevoir vos commentaires constructifs et apprendre toujours et encore!

Cet article fera prochainement partie du troisième numéro de notre production collaborative et critique réalisée à l'ISFEC Bretagne  et intitulée "ATOUTSPROFS". La thématique choisie par notre équipe sera cette fois "Les neurosciences".


Pour aller plus loin et trouver quelques pistes concrètes de mises en œuvre en classe, voici d'autres articles:


Références:

C. Gueguen : « Pour une enfance heureuse » Editions Robert Lafond, 2014
Daniel Goleman "L'intelligence émotionnelle, l'intégrale" J'ai Lu, 2014.
Jane Nelsen, Lynn Lott et Stephen Glenn "La discipline positive en classe", éditions du Toucan, 2018.
Marshall B. Rosenberg "La communication non violente au quotidien", Jouvence Editions, 2017