vendredi 11 mai 2018

Cinq clés pour développer l'intelligence émotionnelle au collège et au lycée


Et si je vous demandais ce que vos élèves doivent apprendre en classe...
Pourriez-vous lister ce qui est, selon vous, le plus important?

Réagiriez-vous comme la majorité des enseignants que je rencontre lors de mes formations?

Ceux-ci répondent que la connaissance disciplinaire est fondamentale mais que pour s'épanouir scolairement puis professionnellement, les élèves doivent apprendre à être tenaces, persévérants, maîtres d'eux-mêmes, à l'écoute, autonomes, coopératifs...


Ces compétences dites transversales constituent l'Intelligence Émotionnelle décrite par Daniel Goleman. Mais elles sont également considérées par d'autres courants tels que celui de la "Communication Non Violente" de Marshall Rosenberg, ou la "Discipline Positive" de Jane Nelsen et Lynn Lott. 

L'enjeu est en effet de  prendre conscience qu'un élève ayant une intelligence émotionnelle développée sera plus armé pour évoluer dans sa vie professionnelle comme dans sa vie privée. 

 

Qu'est-ce que l'intelligence émotionnelle?

Selon Daniel Goleman, l'Intelligence Émotionnelle correspond à:
- la capacité d'un individu à se connaître lui-même et à maîtriser ses émotions,
- la capacité d'un individu à comprendre les autres et à communiquer de manière respectueuse et constructive.

Ce concept implique donc une maîtrise de multiples compétences émotionnelles indispensables à chacun pour s'épanouir dans un monde social.

Bien souvent, les élèves en difficultés démontrent de très faibles capacités à gérer leurs propres émotions et à accepter celles des autres. Ceci les freine dans leur envie d'apprendre et de progresser. Les aider à développer ces nouvelles compétences émotionnelles constitue donc comme un levier concret de progrès scolaires et de réussite professionnelle.

Les 7 compétences essentielles à développer, selon Jane Nelsen:
  1. Je me sens capable,
  2. Je suis utile,
  3. Je fais des choix,
  4. Je fais preuve d’autodiscipline et de maîtrise,
  5. Je peux travailler respectueusement avec les autres,
  6. Je comprends de quelle façon mon attitude affecte les autres,
  7. Je suis capable de jugement et de réflexion.

 
Nous gageons donc qu'un travail quotidien, en classe, autour de ces 7 compétences contribue à développer l'intelligence émotionnelle des élèves et donc leur réussite. 


 Les comportements inappropriés sont les conséquences d'un besoin inassouvi d'appartenance et de compter 

 

La psychologie positive explique que tout conflit ou comportement inapproprié en classe ou sur la cour provient d'un besoin inassouvi, en particulier le besoin d'appartenance et de compter, très présent chez l'adolescent. 

La métaphore de l'iceberg illustre cet élément fondamental: la partie émergée est le comportement, tandis que la partie immergée correspond aux besoins du jeune.

Exemple de pensées d'adolescents: "Je suis nul en maths, je ne compte pas pour le professeur, je vais lui montrer que je m'en fiche et que le plus important pour moi ce sont mes camarades."

A l'inverse, un élève en difficultés mais qui sentira qu'il compte pour ses enseignants et ses camarades, trouvera le chemin vers un comportement plus adapté.  Il s'agit donc dans cet article de réfléchir aux moyens de développer la motivation intrinsèque des jeunes (partie immergée de l'iceberg), plutôt que la motivation extrinsèque (par des récompenses ou des sanctions) qui tend à limiter la responsabilisation et l'autonomie du jeune.

Alfred Adler va plus loin et explique qu'un élève qui n'a pas sa place en classe peut agir de quatre manières différentes (il a "4 buts cachés"):
-accaparer l'attention,
-prendre le pouvoir,
-prendre un revanche,
-confirmer sa croyance d'incapacité (ne pas travailler) .

Il est donc très utile, entant qu'enseignant de tenter d'identifier le "but" de l'élève afin de réagir au mieux dans son intérêt.


 Les cinq clés pour développer l'Intelligence émotionnelle de vos élèves:

 

1- "Se connecter" au jeune

 "Voir avec les yeux de l'autre, écouter avec l'oreille de l'autre, ressentir avec le cœur de l'autre. Pour l'instant voici une définition qui me semble acceptable pour ce que nous désignons sous le terme de sentiment social." Alfred Adler
Déjà dans les années 1960 Alfred Adler affirmait le caractère primordial de l'empathie dans les relations aux autres. L'enseignant doit tenter de rejoindre les préoccupations de ses élèves qui, il faut bien le reconnaître, ne placent souvent pas leurs priorités aux mêmes niveaux que les siennes. Là où la réussite scolaire prime pour l'enseignant, l'appartenance à un groupe d'amis se place souvent au premier plan pour les adolescents. Cet élément est à prendre en compte et devrait pouvoir constituer un levier pour le travail en équipe en classe et le développement de comportements coopératifs dans le cadre des apprentissages. 

Un enseignant "connecté" à ses élèves a donc le souci de les comprendre, de se mettre à leur place et de leur montrer qu'il se soucie d'eux. Nous pensons trop souvent que le jeune, pour évoluer de manière autonome, doit au contraire apprendre à travailler sans attendre les encouragements de ses professeurs. 



C'est ce que nous répondons à un élève qui se plaint qu'un enseignant "ne l'aime pas": "Travaille pour toi, tu en rencontreras d'autres des enseignants qui ne te considèrent pas, alors ne t'en soucie pas et apprends, quoi qu'il arrive." Si ce conseil peut sembler cohérent dans le souci de rendre l'élève autonome et indépendant, il faut savoir qu'il n'est tout simplement pas efficace pour la majorité des élèves. Il est en effet difficile pour un jeune de puiser en lui-même cette motivation intrinsèque nécessaire à surpasser ses obstacles d'apprentissages sans l'étayage et les encouragements de son enseignant.

D'autre part, plusieurs recherches sur l'empathie menées aux États-Unis ont montré que lorsque des enseignants témoignent très majoritairement qu'ils se soucient de leurs élèves, la plupart de ces derniers affirment ne pas ressentir cette empathie de la part de leurs professeurs. Considérons donc qu'un jeune, adolescent, est un être en construction qui a besoin des encouragements empathiques clairs et explicites de ses professeurs pour se construire, pour gagner en estime de lui-même et pour progresser. Les neurosciences nous éclairent sur le caractère physiologique de l'empathie sur les apprentissages. En effet, apprendre dans un climat serein et empathique permet la sécrétion d'une hormone, l'ocytocine. Cette hormone génère du bien-être et développe chez l'individu sa capacité à faire preuve à son tour d'empathie. Évoluer donc dans un climat serein contribue à développer des compétences sociales et donc l'intelligence émotionnelle. A l'inverse, dans un cadre stressant, le jeune va secréter une hormone surrénale appelée le Cortisol qui est capable de bloquer les apprentissages et peut aller jusqu'à détruire certains neurones.
Faire preuve d'une attention soutenue aux élèves contribue donc au développement de leurs compétences sociales par l'expérimentation d'un climat d'encouragement bienveillant.

Comment?
Voici quelques exemples: encourager les élèves, les impliquer dans tout processus de décision, ajuster le ton de notre voix, écouter "activement" en regardant l'élève et en lui montrant que nous sommes disponible pour lui, avoir recours à l'humour, accueillir ses émotions, questionner les élèves sur leurs ressentis et leurs difficultés, être curieux de mieux les connaître, considérer les talents de chacun, solliciter leur aide, rechercher une solution aux problèmes plutôt que les causes (voir point n°4), se centrer sur la progression plutôt que la perfection...


2- Développer les compétences communicationnelles (exprimer ses émotions et écouter celles des autres)
Les jeunes ont parfois du mal à exprimer ce qu'ils ressentent. Pourtant, accueillir les émotions en classe a deux effets positifs sur le climat de classe. Cela apaise l'élève qui a eu la possibilité d'exprimer une émotion négative et l'aide à mieux entrer ensuite dans les apprentissages. Cela développe l'empathie au sein du groupe classe puisque chacun a la possibilité de se rendre compte des émotions éprouvées par les autres. Il s'agit donc bien de s'écouter et de se connaître tout autant que d'écouter les autres et mieux les comprendre.

Dans un précédent article intitulé 5 astuces pour accueillir les émotions des élèves je détaille quelques mises en œuvre possibles. Vous y trouverez quelques pistes adaptées à tous les publics, premier comme second degré, et vous invite donc à le parcourir.

Accueillir et écouter les émotions peut s'entraîner durant des temps de vie de classe. Par de petites situations rapides durant lesquelles, par exemple, vous allez demander à un élève de parler devant la classe de ce qu'il aime faire alors qu'un autre va agir comme s'il ne l'écoutait pas. Faire verbaliser les élèves sur leur ressenti permettra de mettre en lumière les règles d'une écoute sincère et active: regarder la personne, hocher la tête pour l'assurer que l'on écoute, questionner, ne pas interrompre...

Autres règles à partager avec les élèves afin qu'ils s'expriment de manière respectueuse avec les adultes tout comme avec leurs camarades, notamment en situation de conflit:
-Utiliser le "je" et non le "tu",
-Utiliser un vocabulaire des émotions (un tableau pourrait être affiché) ,
-Être le plus précis possible.
Exemple: "Quand ...., je me suis senti... parce que...."
Si vous souhaitez approfondir cet aspect, des pistes sont à trouver dans la Communication Non Violente où l'on prône l'expression de nos propres sentiments et besoins, l'écoute sans jugement et le souci permanent de bienveillance à autrui.


3- Présenter les "4 buts cachés" aux élèves

Alferd Adler puis Jane Nelsen ont réalisé des recherches sur ce qu'ils appellent les 4 buts d'un élève dont le comportement n'est pas approprié.
Comme précisé plus haut dans cet article, ce comportement déviant s'explique par des motivations variées et classées sous quatre catégories. 





En effet, les chercheurs expliquent que l'élève "perturbateur" va chercher à:
-accaparer l'attention
-prendre le pouvoir
-prendre une revanche
-confirmer sa croyance d'incapacité (ne pas travailler et se faire oublier)

Au delà du fait qu'il est intéressant pour un enseignant de connaître ces "4 buts cachés" afin d'adapter son attitude aux besoins spécifiques du jeune, les faire connaître aux élèves doit leur permettre de développer de meilleurs compétences communicationnelles.

Voici un exemple de tableau élaboré par des élèves de primaire dans le but d'améliorer le climat de classe:
Source: "La discipline positive en classe"p107
Certes quelques idées sont à adapter pour le collège ou le lycée, mais je tenais à vous partager cet exemple inspirant dans la mesure où il illustre bien la volonté de l'enseignant de développer l'intelligence émotionnelle de ses élèves et surtout de les responsabiliser en leur apprenant que le comportement inapproprié d'un élève peut être l'affaire de tous. L'enseignant valorise ainsi la coopération et le collectif au service de l'individu.


4- La recherche collective de solutions
Selon Jane Nelsen, toute solution à une situation de conflit ou de comportement inapproprié doit comporter les quatre caractéristiques suivantes. 
Elle doit être:
-Reliée à la situation,
-Raisonnable,
-Respectueuse de l' (des) élève(s) concerné(s),
-Aidante pour  l' (des) élève(s) concerné(s).

Partant de cette base, il est utile d'encourager les élèves, durant des temps de vie de classe à rechercher par eux-mêmes des solutions aux problèmes vécus. Se centrer sur les solutions est le gage de permettre à l'élève concerné d'apprendre de son erreur. Que pourrions-nous trouver comme solution pour que cela ne se reproduise plus? Pour que nous ne fassions plus la même erreur?

Exemple du retard en classe. Quelles seraient les solutions à proposer à X pour qu'il arrive à l'heure en cours?

Passer par une première phase de Brainstorming durant laquelle toutes les idées sont écrites au tableau et faire confiance au groupe pour ensuite éliminer les idées farfelues ou celles qui ne correspondent pas aux quatre critères décrits plus haut.
Questionner ensuite les élèves sur le choix de la meilleure solution pour la classe, pour soi-même, pour l'élève concerné.

Permettre aux jeunes de vivre ces temps d'échanges et de résolution de problèmes va développer chez eux une certaine capacité à s'auto-réguler. Ils vont gagner en autonomie et en responsabilité tout en développant de nouvelles compétences sociales et civiques.


5-La pédagogie coopérative
Dans l'article intitulé Développer la coopération au Lycée. Pourquoi? Comment? vous trouverez quelques précisions sur ce sujet.
Autre article: Coopérer au collège et au lycée, quel intérêt?
N'hésitez pas également à parcourir les pages plus spécifiquement dédiées au premier degré car ne nombreux liens sont à faire tant l'enjeu de la coopération est transversal.
Bonne lecture!



Références:
-Jane Nelsen, Lynn Lott et Stephen Glenn "La discipline positive en classe", éditions du Toucan, 2018.
-Daniel Goleman "L'intelligence émotionnelle, l'intégrale" J'ai Lu, 2014.
-Marshall B. Rosenberg "La communication non violente au quotidien", Jouvence Editions, 2017



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